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Denis Jordan

Denis Jordan, la fine fleur de la botanique

Né le 10 juin 1946 à Thonon-les-Bains, rien ne disposait à priori ce fils d’agriculteur, à devenir l’un des plus grands spécialistes de la botanique haut savoyarde. Dès son plus jeune âge, Denis se montre très attiré par tout ce qui touche à la nature. Il entame une collection de papillons, puis il se focalise sur les oiseaux, dont il collectionne les œufs. Son esprit de collectionneur s’accompagne dès le début d’une disposition inhabituelle : une rigueur absolue dans la retranscription des observations.

Outre le fait d’observer et de ramasser, Denis consigne dans de petits carnets le fruit de ses prospections. Après avoir aidé ses parents aux champs, il profite d’intenses moments de liberté pour courir les bois et arpenter les chemins à la recherche de nids d’oiseaux, de papillons, de mousses et de fleurs : voir, observer, sentir, toucher et connaitre. En immersion dans la nature, le jeune homme est à sa place.

C’est jeune soldat, que Denis découvre la montagne… en Meurthe et Moselle, un paradoxe pour ce jeune thononais qui n’a encore jamais quitté les rives du Lac Léman. Un jour, au gré d’une permission, il part seul en mobylette. Il ne connait alors rien de la flore, ni de la montagne et de ces dangers. Son seul et unique repère : le lys martagon, qu’il débusque lors de cette échappée et consigne soigneusement. C’est la première espèce à figurer sur ces notes de terrain. Désormais il notera tout !  

Au fil du temps, la passion prenant de l’ampleur, les notes se font plus complètes, précises, minutieuses, homogènes. Pour Denis, le plaisir d’écrire est égal à celui de voir sur le terrain, et puis tant que tout n’est pas noté, le travail n’est pas fini.

Après l’armée, de retour à Thonon dans les années 70, Denis devient membre d’une société mycologique. Il participe à la préparation d’un congrès national et rencontre à cette occasion un mycologue émérite qui lui offre son premier livre de botanique. C’est avec ce petit ouvrage que Denis commence à identifier les plantes « scientifiquement » (système de clés dichotomiques).

Après l’armée, l’heure est à la formation. Denis entreprend donc une année de comptabilité, puis opte pour l’école d’agriculture de Thonon. Il se retrouve, au final, à travailler pendant deux ans dans une colonie de vacances de sa ville natale. Puis ce sera le service des parcs et jardins, toujours à Thonon. C’est là que l’Office de tourisme lui demande d’animer quelques sorties nature l’été dans le parc. Il accepte et assure également, à cette époque, le contrôle des champignons vendus sur le marché.

Une rencontre décisive
Jean-Philippe Grillet (alors professeur de lettres à Genève) développe des animations nature à Morzine. Cherchant des collaborateurs, il prend contact avec Denis, fraîchement rentré d’Afghanistan qui accepte la proposition. Cette rencontre va constituer une rampe de lancement pour le jeune botaniste qui ne le sait pas encore. De fils en aiguilles, Jean-Philippe Grillet, prenant la tête d’une toute nouvelle cellule « protection de la nature » au sein de la DDAF74, va avoir recours à Denis pour des inventaires de zones humides, avant de l’intégrer complétement en 1978 en tant que botaniste. Denis travaille alors sur la caractérisation des milieux en vue de l’élaboration des POS dans les communes. Il découvre le département (Communes de l’avant-pays et du bassin rhodanien et lémanique) et tous ses milieux d’intérêt.

Cette cellule de la DDA, devient l’APEGE (Agence Pour l’Etude et la Gestion de l’Environnement) en 1981, puis Asters un peu plus tard. Denis y continue sa carrière de botaniste-naturaliste. Il se forge, au fil des ans, une solide culture, jusqu’à faire de la botanique une activité indissociable de son quotidien. Ce n’est plus seulement un métier mais une passion dévorante qui l’occupe à tous les instants de sa vie. La botanique devient une préoccupation constante, une veille permanente qui remplit même ses rêves. Cette nécessité vitale d’observer et de consigner est tendue vers un but final et unique : préserver les espèces et les milieux !

Même après son départ en retraite en 2006, Denis continue à prospecter comme avant avec peut-être un peu plus de liberté… à présent il va là où le vent le porte, juste pour le plaisir !

 

QUESTIONS A DENIS JORDAN

Combien de données as-tu recueillies jusqu’à aujourd’hui ?  Environ 320 000

Quelles sont tes espèces de plantes préférées ?  Le regard du botaniste ne s’arrête pas à l’esthétique de la plante. Il attache beaucoup d’importance à sa valeur patrimoniale et à son écologie. J’ai 5 groupes de plantes préférées : Saules, Laiches, Fougères, Orchidées et Epervières.

Si tu devais n’en choisir qu’une seule ? Le Saule glauque-soyeux.

Pourquoi ? Parce qu’il est beau, rare et fragile (on le trouve dans les petits marécages d’altitude), doux avec sa petite touche nordique qui lui donne un aspect soyeux grisâtre. Héritage de l’époque glaciaire, cette espèce m’accompagne où que j’aille. Un petit rameau soigneusement emballée est cachée dans les plis de mon portefeuille !

Un secteur géographique préféré ? J’ai une fascination pour le Nord de l’Europe et, paradoxalement, aussi un fort intérêt pour le bassin méditerranéen et les pays arabes.

Cultives-tu toi-même certaines plantes ? Je cultive dans mon jardin de nombreuses espèces ramenées de diverses excursions en France ou ailleurs dans le monde. Parfois je les ramène faute d’avoir pu les déterminer sur le terrain. Les mettre en culture me permet de les déterminer par la suite. Je cultive actuellement de très beaux spécimens comme une orchidée du Népal ou des plantes grasses d’Ethiopie...

Un paradoxe : Je n’aime pas les fleurs blanches mais je suis fasciné par les plantes aux feuilles blanches !

Si tu n’avais pas « choisi » les plantes : Je me serais focalisé sur les papillons.

Un regret : Ne pas avoir pu noter au début autant de choses que maintenant faute de connaissances et de méthodologie.

Une déception : Ne jamais avoir retrouvé l’Armoise boréale.

Un évènement marquant : Une fois, au Col de Balme à Chamonix, je recherchais une plante rare récoltée en 1910, la Pédiculaire tronquée… Tout en prospectant, je suis tombé par hasard sur le Botryche simple, une fougère très rare notée une seule fois auparavant à Chamonix en 1848.

Les risques du métier : Trouver des plantes et encore plus quand elles sont rares, provoque de vives  émotions ! Il ne faut pas être cardiaque pour faire ce métier !

Une fierté : Avoir contribué à donner des statuts de protections à certains espaces reconnus pour leur richesse floristique.

Une devise : Les 4 P : Passion, patience, persévérance et précision