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La géologie de la Haute-Savoie

Carte géologique simplifiée de la Haute-Savoie

1. Jura et chaînons jurassiens

2. Bassins molassiques

3. Chaînes subalpines

4. Préalpes inférieures (« nappes ultrahelvétiques »)

5. Massifs cristallins externes

6. Préalpes du Chablais et klippes

 

La Haute-Savoie, à cheval sur l’édifice alpin et son avant pays ainsi qu’à la charnière entre les Alpes franco-italiennes s’allongeant du S au N et les Alpes suisses et autrichiennes prenant une direction W-E, occupe une position privilégiée. Celle-ci se traduit par la présence sur un petit territoire d’unités géologiques différentes, avec pour conséquence, une diversité des facteurs pédologiques, topographiques et climatiques qui régentent la répartition des associations végétales.

Dans le domaine alpin, nous distinguons :

- les massifs cristallins externes du Mont-Blanc et des Aiguilles Rouges,
- les Chaînes subalpines (Bauges, Bornes, Aravis et Haut-Giffre),
- les Préalpes du Chablais et les klippes (Annes, Danay et Sulens).
Ces deux derniers ensembles sont regroupés sous le nom de Préalpes calcaires par les géographes.

L’avant pays correspond aux bassins molassiques (Bassin franco-genevois : cuvette genevoise et Bas Chablais, Plateau des Bornes, Semine, Albanais ou Bassin de Rumilly) au sein desquels surgissent des chaînons jurassiens (Vuache, Salève, etc.).

Au Quaternaire sur l’édifice alpin structuré au Tertiaire, des terrains superficiels se déposent essentiellement dans les bassins molassiques, les vallées et autres dépressions tels que les lacs, les lits des torrents, etc. Les vallées de l’Arve et du Rhône ainsi que le Léman et le lac d’Annecy sont les témoignages les plus marquants de cette période.

 

Les massifs cristallins externes (Mont-Blanc et Aiguilles Rouges)

Ces massifs cristallins externes sont les vestiges d’une chaîne de montagnes antérieure aux Alpes. Essentiellement constitués de roches métamorphiques et magmatiques paléozoïques, ils sont affectés par de nombreuses failles.

Dans la partie méridionale et sur le versant NE des Aiguilles Rouges,  affleurent des dépôts sédimentaires du Paléozoïque supérieur : grès, schistes, ardoises avec des plantes qui sont les plus vieux fossiles des Alpes, charbon, conglomérats…

Aux confins des Aiguilles Rouges et de Belledonne, le cristallin apparaît dans la boutonnière de Megève, une sorte de « fenêtre » au milieu de roches alpines. Le Mont-Joly présente des écailles de roches cristallines. Dans le Haut Val Monjoie, du cristallin affleure sous l’Aiguille de la Pennaz, dans les Roches Rouges, l’Aiguille de Roselette et la Tête de la Cicle.

Une mince couverture sédimentaire mésozoïque (quartzites, grès, calcaires, dolomies, argilites) recouvre en discordance les roches métamorphiques des Aiguilles Rouges du col du Jorat au N (Suisse) jusqu’à la région de Moëde - col d’Anterne au S. Et l’Aiguille du Belvédère est coiffée par un chapeau de roches sédimentaires triasiques et jurassiques (grès, argilites, calcaires).

Entre les deux massifs et au SW de celui du Mont-Blanc s’étend un domaine fort complexe avec des roches sédimentaires mésozoïques (calcaires, dolomies, cargneules, argilites, marnes, grès, niveaux oolithiques ferrugineux) ainsi que des fragments de cristallin.

Les Chaînes subalpines (Bauges, Bornes, Aravis et Haut-Giffre)

Ces montagnes sont formées uniquement de roches sédimentaires, marines pour la plupart. Il s’agit essentiellement d’une alternance de roches calcaires rigides et de roches argileuses plastiques qui peut atteindre une épaisseur de 3000 à 3500 mètres et d’âge compris entre le début du Mésozoïque et le milieu du Tertiaire. La série comporte aussi des : dolomies, cargneules, schistes, grès, conglomérats…

Dans la partie W, le paysage est dominé par la barre calcaire « urgonienne » du Crétacé inférieur et d’une puissance de 200 à 250 m. Dans la partie E, les calcaires du Jurassique supérieur constituent une seconde barre d’une épaisseur de 150 à 250 m.

Les couches de roches sont agencées en plis (anticlinaux et synclinaux) écaillés. De spectaculaires dysharmonies sont particulièrement bien visibles dans le célèbre « pli d’Arpenaz » (rive droite de l’Arve au N de Sallanches) : plis réguliers dans les calcaires massifs et « plissotements » complexes dans les fines strates calcaires et schisteuses.

Les calcaires ont été propices au développement de phénomènes karstiques qui se traduisent notamment en surface par  les lapiaz (Vogealle, Désert de Platé, col de Monthieu, etc.) et en profondeur par les grottes.

Dans les synclinaux, les roches marno-schisteuses favorisent l’installation de tourbières et de zones marécageuses (Champ-Laitier, Plateau des Glières, Solaison, Cenise, etc.).    

Les Préalpes du Chablais et les klippes (Annes, Danay et Sulens)

Ces montagnes se singularisent par un empilement de paquets de roches (nappes) d’âges et de natures très diversifiés formés dans des milieux marins différents.

Dans les Préalpes du Chablais, différents éléments ont été reconnus.

Les Préalpes inférieures ou « nappes ultrahelvétiques »

La Nappe du Gurnigel (Voirons, Allinges, Vouan).

La Nappe des Préalpes Médianes (Môle, Brasses, Pointe de Miribel, Dent d'Oche, Pic de Mémise, Mont Chauffé, Mont de Chillon, Cornettes de Bise...)

La Nappe de la Brèche (Pointe de Marcelly, Roc d'Enfer, Pointe d’Angolon, Vallon de Tavaneuse, Mont de Grange, Les Hauts Forts…)

La Nappe des Dranses (Pointe de la Gay, Arête et Pointe des Follys, Pointe du Paradis…)

La Nappe de la Simme (à l’ouest de la Côte d’Arbroz, à l’ouest de Morzine…)

La Nappe des Gets (Pointe de Chéry, Vuargne, Crête des Rochassons…)

Toutes les nappes sont séparées – les unes des autres ou de leur substratum relatif - par du wildflysch (ou « Mélange »), un ensemble chaotique avec des éléments de tailles et de provenances diverses.

La klippe des Annes (Tête d’Aufferand, Pointe d’Almet, Mont Lachat de Châtillon) est constituée par une série (quartzites, pélites, calcaires, dolomies, cornieules, argilites, marnes) triasico-liasique.

La klippe du Danay (Tête du Danay et Bois de la Duche) expose uniquement du flysch oligocène vraisemblablement inférieur.

La klippe de Sulens (de la Montagne de Sulens à la région de Cons-Sainte-Colombe) comporte une nappe inférieure et une nappe supérieure. Cette dernière est de même nature que la klippe des Annes. La nappe inférieure est caractérisée par des schistes, des marno-calcaires, des marnes et des calcaires d’âge jurassique supérieur à tertiaire.

Les chaînons jurassiens (ou Jura savoisien)

Le Vuache au S du défilé de Fort l’Ecluse, le Mont de Musièges, le Salève des gorges du Fier à Etrembières, le Gros-Foug et la Montagne des Princes sont des chaînons jurassiens formés de terrains essentiellement jurassiques et crétacés, plissés et affectés par des accidents tectoniques. Des dolomies, des conglomérats, des argiles ainsi que des grès sidérolithiques induisant une végétation acidophile sont aussi présents.

L’accident le plus actif de la région est la faille décrochante du Vuache, connue de Fort l’Ecluse jusque dans la partie N du lac d’Annecy. Elle est à l’origine de décalages verticaux de quelques centaines de m (600 à 700 m dans la région d’Arcine) et horizontaux de l’ordre d’1 à 6 km (2 km à la hauteur de la Balme-de-Sillingy) responsables du décalage entre le Vuache et le Mont de Musièges et de celui entre la Montagne de la Mandallaz et la Montagne d’Age. Dans la carrière de la Petite Balme de Sillingy, un miroir (plan) de faille satellite est parfaitement bien visible.

Les bassins molassiques

Ces bassins correspondent à l’extrémité W d'une région déprimée et vallonnée qui s'étend de Grenoble à Vienne entre le Jura et les Alpes. Sur un soubassement de terrains mésozoïques faiblement plissés passant en continuité du Jura aux Alpes et surmontant le socle cristallin, repose la Molasse, une série de roches détritiques formées soit dans un milieu marin (Molasse marine) soit dans un milieu continental (Molasse d’eau douce). Dans cette formation, les grès prédominent mais des calcaires, des marnes et du gypse sont également présents. Son âge est compris entre l’Oligocène supérieur et le Miocène et son épaisseur variable (plus de 1000 m à quelques centaines de m).

Les couches de la Molasse ne sont que faiblement plissées et faillées sauf sur la bordure S. Dans ce secteur dénommé Molasse subalpine (au pied des Voirons), elles sont plissées et écaillées à cause du front des Alpes qui les chevauche.

Une grande partie de la Molasse est masquée par des dépôts quaternaires, cependant quelques coteaux molassiques (Ballaison, colline de Monthoux, Mont Gosse, Mont de Sion, etc.) affleurent.

Les terrains quaternaires

Ces roches sont à l’interface entre les formations géologiques tertiaires ou plus anciennes et les formations pédologiques qui supportent la végétation.

Comme le Quaternaire est marqué par une alternance de périodes glaciaires et interglaciaires, nous rencontrons surtout des terrains liés aux glaciers : des moraines avec des éléments de natures diverses et de tailles différentes, des sédiments glacio-lacustres et fluvio-glaciaires.

Les autres formations sont essentiellement des alluvions (limons, argiles, sables, graviers, galets), des écroulements, des éboulis, des terrains glissés, des coulées boueuses, des laves torrentielles, des tufs et des dépôts palustres (argiles, sables, craies lacustres, tourbe).

Comment expliquer ce puzzle géologique ?

Quels sont les événements qui ont construit ce puzzle ? Leur déroulement au cours des temps géologiques permet de répondre à cette question dans les grandes lignes

Avant l’histoire alpine (avant -250 Ma = millions d’années)

Au Paléozoïque, une chaîne de montagnes s’édifie. A la fin de cette ère, elle est érodée et transformée en pénéplaine. Son sous-sol comporte les roches qui constitueront les massifs du Mont-Blanc et des Aiguilles Rouges.

Le début de l’histoire alpine (après -250 Ma)

Au Trias (entre -250 et -200 Ma), les terres émergées de la planète sont rassemblées en un supercontinent, la Pangée. La future Haute-Savoie se trouve sur la pénéplaine paléozoïque presque entièrement envahie par une mer peu profonde dans laquelle se déposent des roches sédimentaires. Çà et là, quelques îles plus ou moins étendues abritent entre autres les ancêtres des dinosaures.

Les roches des Alpes et du Jura s’accumulent et s’empilent au fil des millions d’années

Au Jurassique (environ -180 Ma), la Pangée se disloque : l’océan Téthys sépare la Laurasia (Amérique du Nord, Europe, Asie) au N du Gondwana (Amérique du Sud, Afrique, Australie, Inde) au S.

Durant cette période (-200 à -145 Ma) et la presque totalité du Crétacé (-145 à -66 Ma), sur la bordure S du continent européen inondée par l’océan alpin (branche W de la Téthys), les roches des massifs subalpins, du Jura et du soubassement des bassins molassiques se forment. Les futurs massifs des Aiguilles Rouges et du Mont-Blanc sont des hauts fonds séparés par un bassin marin relativement profond large d’une trentaine de km.

L’édification de la chaîne alpine se met en marche

Vers le milieu du Crétacé (environ -100 Ma), suite à l’ouverture de l’Atlantique S, des forces de compression entrent en jeu et entament  la subduction (enfoncement dans le manteau) de l’océan alpin. Sous l'influence de ces mouvements, la mer se retire des domaines jurassien et subalpin à la fin du Crétacé (environ -80 Ma) et un relief avec des altitudes modestes se met en place. Aussitôt, l’érosion provoque la dissolution des calcaires (karstification) crétacés et jurassiques et le dépôt des grès sidérolithiques.

A l’Eocène (environ -50 Ma), le Salève correspond à un bombement probablement de quelques centaines de mètres de hauteur. La zone subalpine émergée à la fin du Crétacé voit le retour de la mer alors que le Jura et les futurs bassins molassiques sont définitivement hors de l’eau.

L’ouverture de l’Atlantique se poursuit et les continents entrent en collision. Les sédiments marins accumulés dans l’océan, retenus en surface car plus légers que la croûte océanique, sont arrachés de leur substratum, empilés les uns sur les autres et déplacés sur des centaines de kilomètres (les nappes du Chablais).

Les compressions alpines atteignent la région. Les chaînes subalpines sortent de l’eau vers -30 Ma. Le massif du Mont-Blanc se rapprochant de celui des Aiguilles Rouges, la majeure partie des terrains accumulés dans le bassin qui s’insérait entre eux, glisse vers l’W à l’avant des Aiguilles Rouges pour former les montagnes du Haut-Giffre.

Le domaine alpin étant toujours de plus en plus comprimé, les nappes formées durant la fermeture océanique s'avancent sur les futurs massifs cristallins externes, les dépassent et arrivent à l’avant des Alpes.

Sous le poids du continent africain venu chevaucher le continent européen, ce dernier ploie et à l’Oligocène (environ -28 Ma) une dépression se constitue au front de la chaîne alpine. Il s’y accumule les produits d'érosion (Molasse) des Alpes et dans une moindre mesure du Jura en cours de formation. Le poids des matériaux accumulés crée un lent enfoncement de la croûte terrestre (subsidence) qui explique les fortes épaisseurs de roches.

Les chaînes subalpines atteignent leur altitude actuelle, il y a une quinzaine de millions d’années. Entre environ -6 et -3 Ma, le Jura et le Salève se plissent et prennent de la hauteur ainsi que les massifs du Mont-Blanc et des Aiguilles Rouges.

L’action combinée du soulèvement et de l’érosion sépare les nappes (Préalpes du Chablais et les klippes) de leur zone d'origine.

Le Quaternaire ou le temps des finitions (entre -2,6 Ma et aujourd’hui)

Suite à des changements climatiques, les Alpes connaissent une alternance de périodes glaciaires (20 à 25 ou plus) et interglaciaires.  Les glaciers (environ 220 000 km²  il y a 35 à 30 000 ans contre moins de 3000 km2 aujourd’hui)  modèlent la région, parachevant ainsi un travail qui a mis plus de 200 Ma pour se réaliser. Ce sont surtout les deux dernières glaciations qui conditionnent la morphologie actuelle en surcreusant les vallées.

Le lac d’Annecy et le Léman ainsi que la plupart des lacs de montagne ont une origine essentiellement glaciaire. Alimentés par des cours d’eau qui charrient des matériaux, ils sont tous en sursis et certains ont même déjà disparu.

Aujourd’hui, les processus géologiques (compression, soulèvement, érosion) continuent sans relâche et se poursuivront à l’avenir. Ainsi, la « construction des Alpes » n’est pas achevée et l’histoire géologique de la Haute-Savoie n’est pas terminée !

Danielle Decrouez

 

 

Bibliographie

Amelot F. & Bolognini D. 2008. A la découverte des plus beaux paysages géologiques du Pays du Mont-Blanc. Musée régional des Sciences naturelles de Saint-Pierre & Centre de la Nature Montagnarde de Sallanches.

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Decrouez D. 1999, De Genève au Mont-Blanc. Les roches racontent. Itinéraires.

Delamette M. 1993. Géologie du Pays du Mont-Blanc. 9 itinéraires à travers paysages et roches du Mont-Blanc et du Haut-Faucigny. Editions Gap.

Eyrehalde J., Gourreau J.M., Gubler Y., Roelly, A., Perret P. & Ravanel J. 1993. Guide de la réserve naturelle des Aiguilles Rouges. Editions Gap.

Cartes géologiques de France au 1/50'000 – Orléans BRGM : Annecy-Bonneville (678), Annecy-Ugine (702), Annemasse (654), Chamonix (680), Cluses (679), Douvaine (629), Mont-Blanc (704), Saint-Gervais-Les-Bains (703), Saint-Julien-en-Genevois (653), Samoëns - Pas-de-Morgins (655), Seyssel (677), Thonon-Châtel (150)